Bienvenue dans ce nouvel article de la rubrique “Funfacts” ! Êtes-vous prêts à fouiller dans les archives de conception de Twinsen’s Little Big Adventure ? Nous avons lu avec attention tous vos retours enthousiastes sur ce premier article, et il est apparu qu’une grande partie d’entre vous souhaitait en savoir plus sur la création des 4 espèces de Twinsun… Cela tombe bien, car la présence de Didier Chanfray et Frédérick Raynal permet de faire de nombreuses découvertes sur pourquoi telle ou telle décision avait été prise dans les jeux originaux. L’avenir se construit sur le passé. Comme vous avez pu le constater durant le premier article, certains choix cruciaux faits dans les années 90 étaient liés à de fortes contraintes techniques que nous n’avons plus à notre époque. Il est donc tout à fait logique que l’univers comporte encore certaines zones d’ombre à éclairer.
Commençons donc par le commencement : d’où viennent les Lapichons, les Grobos, les Quetchs et les Spheros ?
Ravi de se prêter au jeu du bond dans le passé, Didier a apporté au bureau sa panoplie d’illustrations de la période de conception du jeu. Il nous a partagé les premiers croquis de recherches des espèces. Quant à Frédérick, il a répondu à toutes mes questions.
Didier & Sam regardant des archives deTLBA
Samantha : Waouh ! Ça date de quand, ces premiers dessins ?
Didier : De la phase de conception de LBA 1, qui a duré trois mois. Ces dessins ont été faits entre mars et avril 1994.
Samantha : C’est un Quetch ici ?
Didier : Oui, la première version d’un Quetch était un peu différente : l’espèce avait seulement 4 doigts aux mains, et en plus des moufles ! Au départ c’était pour économiser des polygones. Mais Fred [Frédérick Raynal] n’a pas aimé la version moufle. (rires) Du coup, j’ai rajouté des doigts.
Frédérick : Didier dessinait tout ce dont on parlait en réunion. Ensuite, on faisait le tri. Je me rappelle qu’on a eu une discussion sur le nombre de doigts des Quetch, et qu’on a exclu le chiffre de 4 doigts, parce que la traduction japonaise de 4 signifie “mort”.
Premier croquis d’un Quetch
Samantha : Pourquoi avoir choisi ce nom, Quetch ?
Didier: Didier : C’est juste un jeu de mot à cause de la couette, la queue de cheval, mais aussi parce que Twinsen avait une tête un peu allongée, qui rappelle la quetsche, le fruit. (rires)
Samantha : Là, on reconnait bien déjà les quatre espèces, c’est finalement assez proche du résultat final qu’on connait. Mais ici, c’est un rat ?
Croquis de Quetch, Grobo & Bouboule
Le Ratichon
Didier : Ça, c’est le Ratichon ! C’est la version qui a précédé le Lapichon. Il était sympa aussi, le Ratichon, mais Fred [Frédérick Raynal] n’était pas fan du côté oreilles de Mickey. J’ai donc transformé le rat en lapin, pour aboutir au Lapichon qu’on connaît.
Samantha : Team Lapichon ! Et c’est quoi, ces immenses personnages par rapport à Twinsen ?
Didier : Il y a eu d’autres essais qu’on n’a pas gardés. Là, mon idée, c’était de créer une espèce de géants. On aurait pu imaginer une région de Twinsun où vivent des géants. Idée abandonnée : d’abord on fait des recherches, après on fait des choix.
Une idée abandonnée : les géants
Samantha : Une question que la communauté se pose : pourquoi quatre espèces, et pas je ne sais pas… deux ou cinq ?
Didier : Fred [Frédérick Raynal] avait statué sur 4 espèces. C’était en lien avec nos contraintes, par exemple la mémoire, mais aussi le temps de développement bien sûr. Après, ce qui peut être intéressant pour le travail du lore, c’est que globalement le chiffre 4 revient souvent : il y a 4 espèces, 4 comportements, 4 niveaux de magie…
Frédérick : Oui, à l’origine, dans les prémisses, je voulais plusieurs espèces pour avoir des antagonismes et de la matière. Dans les premières discussions, nous avons décidé de nous arrêter sur ce chiffre. Mais les Bouboules ont été ceux qui ont posé le plus de questions. On s’est rendu compte au fil du développement qu’avec 3 espèces on avait finalement assez d’éléments, c’est pour cela que l’espèce a été moins développée.
Samantha : Je suis contente que tu évoques les Bouboules, car quand on regarde les premiers croquis, ils ont un côté un peu mécanique non ?
Didier : ll y a effectivement des dessins qui montrent des bras et coudes mécaniques ! C’est parce que je cherchais comment j’allais animer les bras – cela me posait problème. Finalement on a gardé tout l’aspect technologique pour les créations de Funfrock, les clones.
Samantha : D’accord, parce que certains textes mentionnent que les Bouboules seraient des bio-androïdes… ce qui n’est pas le cas, donc ?
Didier : Non.
Frédérick : Je pense que cette idée d’espèce “bio-androïde” a été développée lors de la conception, qu’on a dû y associer une fonction précise… mais la fonction s’est perdue dans le processus. Les Bouboules dans l’idée c’était d’avoir une espèce qui se différencie… mais on n’a jamais vraiment creusé leur fonctionnement.
Un Grobo et un Bouboule durant la phase de conception
Samantha : Je pense que ce serait justement très intéressant de travailler davantage l’origine de leur espèce, de combler ces zones grises. Je vote pour la réhabilitation des Bouboules !
Frédérick : Complètement. Par exemple, l’un des premiers Bouboules que l’on voit dans LBA 1 aurait dû avoir un rôle un peu plus important dans le scénario… et finalement non, ça été coupé. De façon plus large, quelles sont les origines des 4 espèces ? Tout est encore très ouvert.
Samantha : Et les Grobos ? Est-ce que vous pouvez m’en dire plus ?
Frédérick : Les Grobos… Je me souviens du tout premier dessin. Le premier Grobo était en armure, parce qu’on voulait une catégorie de personnages qui soit plus guerrière. Tous ensemble, on discutait énormément avant de pouvoir commencer à travailler. On avait juste le PC de Yaël, on prenait les notes dessus. Ensuite, les choses ont évolué avec les besoins du gameplay… quand ça ne marchait pas, on bricolait et modifiait. On n’avait pas une discipline très forte, on composait avec les contraintes qu’on rencontrait. Toutes les semaines on faisait des réunions, et pour que ça colle au besoin de gameplay on modifiait. D’où le fait qu’il y ait des “petites” incohérences.
Samantha : Oui, on n’a pas parlé de certains points d’interrogation… par exemple, les soldats dans LBA 1. De quelle espèce sont-ils ?
Frédérick : Ils semblent n’appartenir à aucune espèce.
Samantha : C’est une forme d’incohérence…
Fred : Complètement. À la base, on ne voulait pas tuer des êtres vivants dans le jeu, d’où les clones… alors finalement pourquoi les soldats ? Pour qu’ils soient différents. Mais ce n’était pas assez réfléchi, parce qu’on a pensé à la dictature, du coup par association à des soldats. Mais avec le recul je me dis que ça aurait dû être des clones. On peut dire que c’est des Quetch sans cheveux ? (rires)
Samantha : (rires) Pourquoi pas ? Des Quetch sans couette…
Didier : Les soldats ont un côté très burlesque et peu humain : ils se déforment… c’était une forme de satire aussi de la dictature.
Premier croquis d’un soldat
Frédérick : En fonction des besoins, il y a des choses qui fluctuaient. Mais on peut aussi s’autoriser des écarts, ça fait partie du côté un peu délirant de LBA. Tant que ça ne casse pas des principes fondamentaux de logique de l’univers, ça peut rajouter des surprises !
Samantha : Allez, pour faire un clin d’œil à l’article précédent… la révélation des premiers croquis de Twinsen, avec le fameux “gros nez”, a fait beaucoup parler ! Et toi Didier, tu as encore quelques pépites dans tes archives…
Didier : Oui, j’ai retrouvé un ancien croquis d’une idée : plus un Quetch était vieux, plus il avait un gros nez. (rires) Idée non retenue.
Idée abandonnée : plus un Quetch vieilli, plus son nez s’agrandit
Un immense merci à Didier et Frédérick de partager ces archives et anecdotes avec nous. J’espère que cet article plein de dessins inédits de la conception de Twinsen’s Little Big Adventure vous a plu ! N’hésitez pas à poser vos questions en commentaires, et nous suggérer une nouvelle thématique pour la rubrique “Funfacts”…
Sam